Haller passe ses premières années hors les murs de la ville de Berne.
Cadet d’une fratrie de cinq, Albrecht von Haller est né en 1708, au domaine du Hasligut sur l’Aar.
Ses parents meurent alors qu’il est encore très jeune.
La famille Haller demeurera au Hasligut jusqu’au décès du père, en 1721.
Attribué à Joseph Plepp, 1623
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 807
×Les fortifications et le cours de l’Aar séparent la ville de Berne de ses alentours.
Le domaine du Hasligut où a grandi Haller se trouve dans une clairière située entre la forêt de Bremgarten et l’Aar.
Cette carte fait l’inventaire des parties boisées de la forêt de Bremgarten.
Elle montre aussi que les Haller vivent assez loin de la ville.
Haller passe vite pour un enfant appliqué et assoiffé de savoir.
Ses notes de vieillesse trahissent encore le souci de donner de lui l’image d’un enfant appliqué.
Du haut de ses cinq ans et du poêle qui lui sert de chaire, Albrecht enseigne les Écritures aux domestiques.
A neuf ans, il compile les dates de naissance et de décès de 1000 à 2000 personnes.
L’épée symbolise le passage de l’enfant dans le monde des adultes.
Au 18e siècle, les personnalités de haut rang portaient des épées richement décorées.
L’épée marque le début d’une nouvelle étape de la vie.
L’admission à la Haute Ecole donne à Haller, bien que très jeune, de porter le chapeau et l’épée.
Peintre inconnu, 1ère moitié du 18e s.
© Burgerbibliothek, Neg. 2429
×Ce portrait date probablement du début des études de Haller.
Haller porte une perruque poudrée, un col et une chemise à dentelles sous une jaquette sombre.
Tout ceci concourt à donner un air plus âgé à ce jeune homme au regard sérieux.
Des historiens de la médecine ont récemment estimé que Haller devait alors avoir 16 ans.
Berne, le 1er avril 1718
© Bern, Staatsarchiv, StAB BIII 875
×Le comité scolaire décide d’admettre exceptionnellement le garçon précoce.
Normalement, on accède à la haute école à 14 ou 15 ans.
L’examen d’entrée comprend une traduction d’allemand en latin.
A 9 ans, Haller y ajoute la traduction grecque qu’il a aussi rédigée dans le temps réglementaire.
Albrecht von Haller, Bienne, 1723
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 91
×Bien que surdoué, Haller vit aussi une jeunesse ordinaire.
En 1722/23, Haller passe un an à Bienne chez son oncle, le médecin Johann Rudolf Neuhaus.
Il écrira plus tard qu’il s’est enfermé durant des mois pour écrire des poèmes.
Mais le journal de ses dépenses, lui, parle aussi de jeux d’argent, de visites à l’auberge et d’excursions avec des copains.
Pour Haller, la ville universitaire de Tübingen fait effet de «grand monde».
En 1723, il y entame ses études de médecine.
Le journal de Haller ainsi que ses consciencieuses listes de dépenses montrent un étudiant appliqué, mais n’ayant pas renoncé aux plaisirs du monde.
A deux reprises, Haller sera le témoin direct de graves forfaits commis par des étudiants sans cervelle.
La faculté de médecine de Leyde (NL) est l’une des plus progressistes d’Europe.
Au 18e siècle, l’Université de Leyde est connue pour ses expériences dans le domaine des sciences.
Haller fait partie des nombreux étudiants attirés à Leyde par les grands médecins Hermann Boerhaave et Siegfried Albinus.
Les étudiants y acquièrent les bases nécessaires aux sciences de l’observation et de l’expérimentation.
André Vésale, Bâle, 1543
© Bern, Zentralbibliothek der Universitätsbibliothek, Kp I 69
×En 1543, André Vésale fonde l’anatomie moderne.
Ne se fiant plus à l’autorité des antiques, cet anatomiste flamand mène ses propres études du corps humain.
Les planches qu’il réalise à Padoue sont d’un réalisme et d’une expression encore jamais vus.
Jusqu’au 18e siècle, elles resteront une référence à battre pour les artistes et les anatomistes.
Bernhard Siegfried Albinus, Leyde, 1747
© Bern, Zentralbibliothek der Universitätsbibliothek, ZB PW 101:1
×Albinus montre l’être humain comme l’œuvre parfaite de Dieu.
L’anatomie constitue le fondement de l’enseignement médical et on l’étudie en détail.
Les illustrations d’Albinus soulignent l’élégance et l’harmonie du corps humain.
Haller tient en haute estime l’atlas anatomique d’Albinus publié en 1747.
Le jeune docteur y contredit un célèbre professeur d’anatomie.
Georg Daniel Coschwitz prétendait avoir découvert une nouvelle voie salivaire.
Dans sa dissertation, Haller lui reproche de ne pas avoir travaillé assez minutieusement.
Il démontre, grâce à des injections de cire, que Coschwitz n’avait en fait vu qu’une petite veine.
Leyde, 23 mai 1727
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 96 (2)
×A 19 ans, Haller fait son entrée dans le monde des médecins et des érudits.
Le diplôme de Haller loue «sa très haute érudition» et «ses compétences médicales».
En réalité, on ne pouvait alors guère acquérir d’expérience clinique durant ses études.
Mais un titre de docteur en médecine de la célèbre Université de Leyde permettait déjà de prendre un bon départ.
Les cours de dissection de Siegfried Albinus présentent la structure du corps humain.
A partir du 16e siècle, la dissection fait partie du programme de médecine.
Les cadavres présentés au théâtre anatomique permettent aux étudiants d’observer les entrailles et les muscles.
Haller se procure l’auto- risation de reproduire, de son côté du cadavre, les gestes précédemment accomplis par Albinus de l’autre côté.
d’après Rembrandt, 1632, copie du 19e s.
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 61535
×En Hollande, on prodiguait déjà des leçons d’anatomie au 17e siècle.
Le corps que Nicolaes Tulp dissèque est celui d’un criminel exécuté.
L’assistance fait partie de la guilde des barbiers et chirurgiens.
A droite, en bas, on voit un livre d’anatomie servant peut-être d’élément de comparaison.
A Londres, Haller ne se contente pas de jouer au touriste.
Haller arrive à Londres le 26 juillet 1727, sans savoir l’anglais. Il va voir les joyaux de la couronne à la Tour.
Mais, les sites touristiques ne font pas oublier à Haller les branches qui le passionnent.
Il visite des chirurgiens et des anatomistes londoniens, ainsi que le jardin botanique de Chelsea.
Albrecht von Haller, 1727/1728
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 38
×Les voyages et les observations perspicaces élargissent l’horizon de Haller.
Pour voyager, un érudit se documente soigneusement au moyen de guides et tient souvent un journal.
Il est capital pour sa carrière de rendre visite à des personnalités et de nouer des contacts.
Haller observe minutieusement les pays et les gens, leurs mérites et leurs faiblesses.
A Paris, Haller prend la décision de n’opérer personne de vivant.
Il s’y résout après avoir assisté à l’échec de plusieurs opérations chez le chirurgien Henri-François Le Dran.
Afin d’étudier l’anatomie comme il l’entend, Haller se fait discrètement livrer des cadavres exhumés illégalement.
Cette pratique ayant terni sa réputation, Haller décide de s’en tenir au théâtre et à l’opéra.
L. Heister, Chirurgie, 1ère éd. 1719/1770
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 15009
×Les calculs de la vessie sont rudement douloureux et leur extraction très dangereuse.
Am 19. November 1727 verfolgt Haller eine Operation bei Le Dran.
Le Dran perfore la vessie à cinq reprises et «à chaque fois y introduire ses instruments, au prix d’atroces douleurs. Le patient était très patient.»
La vessie s’est affaissée sur elle-même et le patient est décédé le lendemain.
On s’exerce aux opérations délicates sur des cadavres.
Certaines atteintes demandent que l’on pratique une ouverture de la boîte crânienne.
Cet étui contient un trépan avec trois différentes mèches ainsi que des accessoires.
Des étudiants se sont exercés à cette dangereuse opération invasive au cours du professeur Le Dran du 20 octobre 1727.
A Bâle, Haller se découvre une passion pour la poésie et la botanique.
C’est son camarade d’études Johannes Gessner qui lui file le virus de la botanique.
En été 1728, ils entreprennent ensemble une virée de quatre semaines dans les Alpes suisses.
C’est ce tour qui va inspirer à Haller son poème «Les Alpes» et faire germer en lui l’idée d’un herbier systématique.
La botanique
Haller documente systématiquement le produit de ses virées botaniques.
Il collectionne et décrit minutieusement les plantes qui se trouvent dans les parages.
Il analyse la structure propre à chaque plante et ajoute des remarques sur son biotope.
Haller va ainsi développer sa propre méthode de classification botanique et l’appliquer à son herbier comme à ses registres.
Albrecht von Haller, 1728–1777
© Paris, Muséum national d’Histoire naturelle, Herbier Haller
×Les 61 volumes de l’herbier de Haller comprennent plus de 10'000 échantillons.
Il a porté un intérêt tout particulier aux plantes de culture.
Son 41e volume comprend les graminées cultivées comme céréales ou pour le fourrage.
Haller a échangé de nombreuses plantes avec des botanistes de toute l’Europe.
Linné et Haller sont deux géants de la botanique du 18e siècle.
Carl von Linné et Haller entretiendront une correspondance nourrie durant douze ans.
Tous deux se sont intéressés aux mêmes questions de désignation botanique, arrivant toutefois à des résultats divergents.
Les chercheurs tels que Haller et Linné ont fait passer la botanique du statut d’auxiliaire de la médecine à celui de discipline scientifique.
A la découverte des Alpes
Les premières illustrations des glaciers naissent avec l’exploration des Alpes.
J.J. Scheuchzer et L. Marsigli sont à l’origine de la découverte des hautes montagnes, au début du 18e siècle.
Le Zurichois Scheuchzer livre à son correspondant Marsigli les coordonnées du peintre Felix Meyer, de Winterthour.
C’est Meyer qui va peindre le monde des Alpes suisses pour le grand savant italien.
Johann Jakob Scheuchzer, Zurich, 1716
© Burgerbibliothek Bern, Mül S 684
׫Description des parties, frontières et montagnes du Pays suisse»
Scheuchzer est le premier grand découvreur des Alpes suisses.
Lors de son voyage en Suisse de 1728, Haller tient à honorer le grand savant zurichois de sa visite.
Haller suivra toutefois son propre chemin en se spécialisant en botanique.
A la découverte des Alpes
Le poème de Haller dédié aux Alpes est à l’origine du tourisme dans nos montagnes.
Dans son poème «Les Alpes», Haller jette un jour nouveau sur un monde jusque-là synonyme d’effroi.
Il s’extasie sur l’irrésistible beauté des paysages alpins que font gronder de mugissantes cascades.
Les vers de Haller vont littéralement aspirer d’innombrables voyageurs dans les Alpes suisses qui deviennent une destination à la mode pour la haute société européenne.
Johann Rudolf Huber, Berne, 1735
© Propriété privée, Foto: Burgerbibliothek Bern, Neg. 2453
×Haller, alors âgé de 28 ans, semble abandonner sa rédaction, l’air absorbé.
Les montagnes, derrière, rappellent «Les Alpes», le poème de Haller publié en 1732.
On peut reconnaître le glacier inférieur de Grindelwald et les Fiescherhörner.
Huber, à l’époque le plus important peintre bernois, s’est aidé d’esquisses précédemment faites sur place.
Ces vers feront de Haller l’un des poètes les plus lus en langue allemande.
«Die Alpen» paraît pour la première fois en 1732 dans «Versuch schweizerischer Gedichten».
Cet ouvrage fera l’objet de onze rééditions autorisées du vivant de Haller et d’innombrables réimpressions.
Il sera traduit en français, en italien, en anglais, en hollandais, en suédois et en russe.
Albrecht von Haller, Berne, 1734
© Bernisches Historisches Museum
׫Versuch von Schweizerischen Gedichten» (deuxième édition)
A la découverte des Alpes
Caspar Wolf mène la peinture des Alpes à un premier sommet.
Le peintre Caspar Wolf, de Muri en Argovie, se rend en montagne en compagnie de l’éditeur Abraham Wagner pour y faire des esquisses.
Ses croquis et impressions permettront à Wolf de peindre de grandioses paysages alpins.
Haller écrira l’avant-propos de l’édition imprimée d’une série de vues de Wolf présentant le monde des montagnes.
R. Henzi (Ed.), Amsterdam, 1785
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 10000
×Caspar Wolf a fait imprimé plusieurs de ses vues des Alpes.
La gravure montre le peintre au centre et, à droite, le découvreur des Alpes Jakob Samuel Wyttenbach qui a rédigé le texte accompagnant les illustrations.
L’avant-propos est d’Albrecht von Haller; son portrait est en médaillon, dans la partie supérieure.
Aquatinte d’après Caspar Wolf, Amsterdam, 1785
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 10000
×Les reproductions coloriées des œuvres de Wolf se vendent comme des petits pains.
Une comparaison avec l’original est révélatrice: L’épigone n’a pas eu ce souci de restituer les fractures des éboulis avec la perspicacité du chercheur.
L’architecture des nuages suit plutôt le goût du public que les lois de la météorologie.
Aquatinte d’après Caspar Wolf, Amsterdam, 1785
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 10000
×Aucun peintre ne s’était aventuré aussi près des séracs d’un glacier avant Caspar Wolf.
Felix Meyer a aussi peint ce glacier, mais comme une extraordinaire création de la nature.
Wolf souligne le rythme et la répétition des formes et fractures de la glace et du rocher.
Il révèle ainsi le jeu des forces naturelles à l’œuvre.
Aquatinte d’après Caspar Wolf, Amsterdam, 1785
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 10000
×Le chemin menant à la vallée de Grindelwald franchit un étroit passage.
Le couple de paysans de montagne s’engageant sur le point le plus haut du passage fait frémir le spectateur.
Les petits personnages se détachant devant le ciel clair sont au centre de la composition.
Toute la précarité de leur existence s’y concentre, mais aussi leur libre choix.
Aquatinte d’après Caspar Wolf, Amsterdam, 1785
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 10000
×Ses 297 m en font une des plus hautes chutes d’eau de Suisse.
Le pied de la chute du Staubbach est facilement accessible du village de Lauterbunnen.
Sur la butte verte, les promeneurs se laissent prendre par la magie de la chute d’eau.
En 1775, Goethe a composé ici les vers de son «Chant des esprits sur les eaux».
Etudes et voyages terminés, Haller s’installe à Berne comme médecin.
Au 18e siècle, l’entretien avec le patient tient la place centrale dans une consultation.
L’examen de l’organisme est souvent sommaire.
Haller s’occupe avant tout d’enfants et de jeunes femmes; l’un de ses amis s’en amuse, le traitant de «médecin des demoiselles».
Des fortifications impressionnantes dans un paysage pittoresque
On voit la ville de Berne à l’arrière-plan, entourée de prairies, de champs et de forêts.
Murailles médiévales et bastions baroques ont donné au site son cachet jusqu’au 19e siècle.
Albrecht von Haller, Berne, 1734
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 17
×Haller tient un journal de ses consultations.
Le journal sert tout autant à documenter sa propre pratique qu’au progrès de la science.
Lorsque Haller visite un patient, il note sommairement ses plaintes et le traitement prescrit.
Son cabinet qui marche bien lui laisse le temps de poursuivre ses recherches en anatomie et en botanique.
Lavements et traitements du gros intestin exercent leurs effets sur le corps tout entier.
Le lavement consiste à introduire un demi-litre de liquide dans l’intestin.
Il joue un rôle thérapeutique éminent à côté des tablettes, des pommades, des tisanes et des compresses.
On y recourt lors de troubles digestifs mais aussi pour des causes plus générales.
L’apothicaire prépare les médicaments prescrits par le médecin.
Les préparations à base de plantes constituent alors l’essentiel de la pharmacopée.
Chaque plante médicinale a ses propriétés qui agissent sur l’équilibre des humeurs.
Le mortier sert à broyer les éléments entrant dans la composition du médicament.
1761
© Bern, Institut für Medizingeschichte / Bernisches Historisches Museum, Inv. 20734
×La saignée est l’un des plus anciens traitements connus.
Selon la médecine antique, la bonne santé dépend de l’équilibre des humeurs.
En cas de maladie, la saignée doit permettre de rétablir cet équilibre.
On opère une ponction de deux à trois décilitres de sang en perçant la veine au moyen d’une lancette.
Les ventouses aspirent le sang par la peau entaillée.
Pour la saignée, la lancette à cran libère une petite lame qui entaille la peau du patient.
On peut aussi appliquer des ventouses chauffées dont le refroidissement crée un vide pour faire affleurer le sang.
Lancettes et ventouses font partie intégrante de la trousse médicale de Haller.
Un prodige gynécologique fait sensation et entraîne une dissection en public.
A Corcelles, Anna Pelet accouche de siamois mort-nés, le 2 mai 1735.
Trois jours durant, Haller procède à leur dissection au théâtre anatomique. Le gouvernement donne 50 thalers de dédommagement aux parents.
C’est Johann Ludwig Hommel, assistant de Haller, qui prépare le squelette.
Johann Sebastian Dür, dessinateur, 1735
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 3
×Haller voit dans les jumeaux un signe de la sagesse et de la toute-puissance divines.
Il s’agit de savoir si les anormalités sont dues au hasard ou si Dieu les a voulues.
Haller constate que les organes nécessaires à la survie des jumeaux sont bien situés.
Ceci est l’œuvre du Dieu tout-puissant, qui crée de nouvelles vies et les dote des organes nécessaires.
Haller se présente sans succès pour la chaire de médecine et le poste de médecin de la ville.
Haller aimerait bien faire carrière à Berne.
Si le poste de médecin de la ville lui est refusé, le Conseil lui fait néanmoins ériger un théâtre anatomique.
Haller va ainsi pouvoir d’autant mieux se consacrer à la recherche et à la dissection de cadavres.
En 1731, Haller épouse Marianne Wyss, son grand amour.
Haller fait la connaissance, en tant que médecin, de Marianne. Il lui demande sa main en lui offrant son poème d’amour «Doris».
Celle qui sera son épouse est parente du futur avoyer Isaak Steiger.
Voilà qui représente aussi pour Haller une belle opportunité d’accéder à des charges éminentes au service de l’Etat.
Albrecht von Haller, 1733
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 60
×Le poème d’amour le plus connu de la 1ère moitié du 18e siècle.
En 1730, Haller entend s’attirer avec ce poème les faveurs de Marianne Wyss, âgée de 19 ans.
Haller considérait sa profession médicale comme plus importante que sa poésie.
Selon lui, «un poète offre un quart d’heure de plaisir, un médecin améliore la santé de toute une vie.»
A l’Université de Göttingen
En 1734, Georges Auguste, prince-électeur de Hanovre, fonde l’Université de Göttingen.
Loin du monde agité, Göttingen doit préserver ses étudiants des distractions mondaines.
Offrant d’excellentes conditions de travail, l’administrateur de l’Université Gerlach Adolph, baron de Münchhausen, attire des professeurs renommés à Göttingen.
Inaugurée en 1737, la bibliothèque a été la première conçue pour la recherche et l’ancêtre de toutes les bibliothèques universitaires ultérieures.
Georg Daniel Heumann, Göttingen, 1747
© Göttingen, Nieders. Staats- und Universitätsbibliothek, Gr 2° H. Hann V 29 Rara
×Cette page précède le recueil des vues de Göttingen.
Ce mémorial imaginaire est dédié au baron Gerlach Adolph von Münchhausen.
A la demande du fondateur Georges Auguste de Hanovre, von Münchhausen a lancé le chantier de l’Université.
Il s’est engagé durant 40 ans au service de celle-ci pour la mener sur la voie du succès.
Georg Daniel Heumann, Göttingen, 1747
© Göttingen, NSUB, Gr 2° H. Hann V 29 Rara
×Série de gravures sur cuivre de la ville et de l’Université de Göttingen.
Au 18e s., la concurrence s’exacerbe pour s’attirer les meilleurs professeurs et le plus grand nombre d’étudiants.
Le dossier doit promouvoir l’image de la jeune ville universitaire pour séduire de nouveaux étudiants à Göttingen.
Le plan de la ville permet aux nouveaux venus de s’orienter.
Georg Daniel Heumann, Göttingen, 1747
© Göttingen, Nieders. Staats- und Universitätsbibliothek, Gr 2° H. Hann V 29 Rara
×La jeune Université a besoin de nouveaux locaux.
Le bâtiment de l’Académie a été érigé en 1734/36 à l’emplacement de l’ancien couvent des dominicains.
Auparavant, celui-ci avait abrité un lycée.
Le nouveau bâtiment comprend des salles de cours, des collections, ainsi qu’une bibliothèque.
Georg Daniel Heumann, Göttingen, 1747
© Göttingen, Nieders. Staats- und Universitätsbibliothek, Gr 2° H. Hann V 29 Rara
×La bibliothèque destinée à la recherche est une attraction.
La bibliothèque universitaire de Göttingen suit de nouveaux principes d’acquisition.
Jusque-là, une bibliothèque avait pour but de rassembler une collection de livres aussi complète que possible.
A Göttingen, les achats vont se concentrer sur les ouvrages utiles à la recherche.
Georg Daniel Heumann, Göttingen, 1747
© Göttingen, Nieders. Staats- und Universitätsbibliothek, Gr 2° H. Hann V 29 Rara
×La création de l’Université provoque un boom de la construction dans toute la ville.
L’Université s’est construite sous la surveillance du prince-électeur.
Georges II influencera aussi la construction d’autres bâtiments de la ville.
Au premier plan, la Londonschänke (auberge de Londres), un gîte pour étudiants fortunés construit en 1737.
Georg Daniel Heumann, Göttingen, 1747
© Göttingen, Nieders. Staats- und Universitätsbibliothek, Gr 2° H. Hann V 29 Rara
×Une des rues aisées de Göttingen.
L’Université entraine l’essor économique de la ville.
La croissance est également démographique.
Visiteurs et commerçants de toutes les branches sont nombreux à être attirés.
Georg Daniel Heumann, Göttingen, 1747
© Göttingen, Nieders. Staats- und Universitätsbibliothek, Gr 2° H. Hann V 29 Rara
×Enneigée, la place du marché de Göttingen est livrée aux jeux des jeunes.
Des jeunes gens s’amusent et se promènent en traineau.
Les ancêtres de ces distractions hivernales étaient les tournois chevaleresques.
Marianne, la fille de Haller, raconte, elle aussi, le plaisir qu’elle avait en traineau à Göttingen.
Haller répond à l’offre intéressante faite par l’Université de Göttingen.
Les travaux de Haller en anatomie et sur la flore alpine ont attiré l’attention de spécialistes sur le jeune médecin.
A Göttingen, Haller va enseigner l’anatomie, la botanique et la chirurgie.
Il part toutefois avec la ferme résolution de rentrer à Berne s’il est élu au Grand Conseil.
Johann Rudolf Studer, Berne, 1745
© Burgerbibliothek Bern, Neg. 1980E
×En 1745, Haller s’est fait faire son portrait par Johann Rudolf Studer, à Berne.
Espérant être élu au Grand Conseil, Haller passe six semaines à Berne.
Studer le peint vêtu de la robe rouge des professeurs de Göttingen.
Ce tableau a probablement servi de nouveau modèle pour la gravure de Haller dans la galerie des portraits de Brucker.
Un nouveau quartier de la ville de Göttingen porte l’empreinte de Haller.
A l’arrivée de Haller l’Université de Göttingen est en pleine expansion.
Professeur d’anatomie, de botanique et de chirurgie, Haller supervise la construction du théâtre anatomique et du jardin botanique.
Sur son initiative, le même quartier accueillera une église réformée quelques années plus tard.
Balthasar Friedrich Leizel, Augsbourg, vers 1750
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 61596
×En quelques années, le jardin botanique universitaire de Haller devient une attraction.
Ce décor de zograscope en est la preuve.
Cette attraction de stand de foire est dotée d’un miroir et d’une lentille donnant de la profondeur aux images.
Ces décors exécutés à l’envers sont en général très colorés.
Georg Daniel Heumann, Göttingen, 1747
© Göttingen, Nieders. Staats- und Universitätsbibliothek, gr 2° H. Hann V 29 Rara
×Haller conçoit le jardin botanique et le théâtre anatomique.
Sous la direction de Haller, la faculté de médecine va attirer des étudiants de toute l’Europe.
La proximité du jardin botanique et du théâtre anatomique présente des avantages: En été, Haller enseigne la botanique dans le premier et, en hiver, l’anatomie dans le second.
Albrecht von Haller, Göttingen, 1748
© Göttingen, Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek, Cod. Ms. Hist. 288h
×La collecte de Haller pour construire une église réformée a du succès.
Haller désire ardemment la fondation d’une communauté réformée à Göttingen.
Il collecte de l’argent en Suisse et en Hollande; Berne donne 100 thalers.
La première pierre est posée le 10 mai 1752, pour Haller, «le plus beau de tous les jours passés à Göttingen.»
Les premières années de Haller à Göttingen sont durement marquées par les coups du sort.
Un mois à peine après être arrivé à Göttingen, Marianne, l’épouse tant aimée de Haller, décède.
Deux ans plus tard, c’est son fils aîné, Ludwig Albrecht, que la mort vient frapper.
Sa seconde épouse, Elisabeth Bucher, mourra peu après la naissance de leur premier enfant. Puis ce sera encore le tour d’un autre enfant.
Ebranlé, Haller cherche la consolation dans ses projets scientifiques.
Haller noie sa peine dans une inimaginable débauche de travail, tant en botanique qu’en médecine.
Doyen en 1739 et vice-recteur en 1741, il endosse des charges administratives universitaires en plus de son travail.
Heureusement, son troisième mariage avec Sophie Amalia Teichmeyer va lui redonner le goût de vivre.
Son recueil «Opuscula Botanica» comprend de petits articles botaniques.
Haller met à profit ses séjours en Suisse pour arpenter les Alpes.
Il fait illustrer les publications de ses randonnées avec les gravures des plantes découvertes.
Au centre de la planche II, se trouve «l’astragale de Haller», découverte dans la région de Gantrisch en 1739.
Albrecht von Haller, Göttingen, 1742
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 61185
×Haller y décrit 2’000 plantes, des algues, des champignons, des lichens et des mousses.
Le guide comprend pratiquement 70% de la flore suisse actuellement connue.
Haller y fait encore usage de courtes descriptions en plusieurs parties pour désigner la plante.
La présentation des espèces comporte également des considérations économiques et médicales.
Albrecht von Haller, Berne, 1768
© Burgerbibliothek Bern, Haller C 3
×Au 19e siècle, le livre sur la flore de Haller passe encore pour le plus complet d’Europe.
Linné compare des plantes venant de toute la planète. Haller, lui, préfère épuiser le sujet sur un périmètre délimité.
Grâce à de nombreuses aides, il parvient à recenser l’essentiel de la flore suisse.
Il refuse d’utiliser le système binominal de Linné, arguant de son manque de précision.
En tant que botaniste Haller est très actif en dehors de Göttingen et de la Suisse.
Le beau-père de Haller, Hermann Fr. Teichmeyer est professeur à Iéna.
Aussi, Haller améliore-t-il un ouvrage sur la flore de cette région, qui paraîtra en 1718.
Il fait remplacer les six planches par des gravures sur cuivre de son assistant et dessinateur Christian Jeremias Rollin.
Joh. Wilh. Weinmann, Ratisbonne, 1745
© Bern, Zentralbibliothek der Universitätsbibliothek, ZB W 9
×Haller rédige la préface de ce prestigieux ouvrage de botanique.
Joh. Wilh. Weinmann, l’éditeur, est un pharmacien devenu très aisé.
Passionné de botanique, il crée un jardin abritant quelque 9'000 espèces.
Ce sont les plantes de son jardin qu’il a fait décrire et illustrer.
Carl von Linné, Stockholm, 1753
© Zentralbibliothek Bern, Br III 14
×Linné décrit 8’000 espèces, soit environ 3% des plantes aujourd’hui connues.
On doit à Linné l’actuelle nomenclature scientifique binominale désignant le genre et l’espèce.
Linné va progressivement ériger cette manière de faire en système.
Au début, il ne s’agit que d’un artifice destiné à faciliter les études.
Elisabeth Blackwell, Nuremberg, 1750/1773
© Bern, Zentralbibliothek der Universitätsbibliothek, ZB Nat. fol 1
×Ce prestigieux ouvrage présente 600 plantes utiles illustrées.
Médecin et apothicaire à Nuremberg, Chr. J. von Trew, responsable de la nouvelle édition, était un correspondant de Haller.
Haller lui-même renvoie aux planches de Blackwell.
Haller précise que la linaire est très appréciée pour les hémorroïdes.
L’anatomie
Le système sanguin de l’atlas anatomique de Haller devient un modèle du genre.
Les «Icones anatomicae» de Haller témoignent de son souci didactique.
En simplifiant ses illustrations Haller fait ressortir l’essentiel de l’organisation des vaisseaux.
Détails, variantes et observations scientifiques sont exposés dans le texte accompagnant les planches.
Albrecht von Haller, Göttingen, 1743–1756
© Burgerbibliothek Bern, Haller D 5
×Haller est un ardent défenseur de la recherche spécialisée.
En anatomie, il se concentre sur le système sanguin.
Il en explore les structures sur des dizaines de cadavres pour en déterminer la circulation précise.
Les planches que Haller va publier durant 14 ans témoignent du progrès de ses recherches.
La physiologie
Haller pose les bases de la physiologie moderne.
Avant Haller, la physiologie, science du fonctionnement du corps, repos bien souvent sur des suppositions.
Haller entreprend l’étude systématique du fonctionnement de l’organisme, basée sur la dissection et les expériences sur des animaux vivants.
Ces recherches vont déboucher sur une nouvelle conception du corps humain.
A. v. Haller, Lausanne/Berne, 1757–1766
© Burgerbibliothek Bern, Haller D 58
×Le manuel de physiologie de Haller restera une référence durant 50 ans.
5’000 pages avec 50'000 notes font alors le point de la question.
Haller veut établir la physiologie sur des bases vérifiées expérimentalement.
Menant une analyse comparative entre les travaux publiés et ses propres recherches, il va donner forme à cette branche.
A. v. Haller, Paris/Lausanne, 1756–1760
© Burgerbibliothek Bern, Haller D 17
×Les concepts d’irritabilité et de sensibilité de Haller bouleversent la médecine.
La vivisection permet à Haller d’établir que les muscles suffisent au mouvement et que les nerfs sont seuls responsables des sensations.
Le muscle est capable de réagir à des stimuli indépendamment des nerfs.
Le corps ne serait donc pas une simple machine animée par l’âme.
La physiologie
Haller est le premier à faire méthodiquement des expériences sur des animaux.
Pour lui, l’organisme ne peut être compris si on ne l’étudie pas vivant.
Ses expériences vont être reproduites sur des milliers d’animaux ailleurs en Europe.
Au 18e siècle, l’expérimentation animale ne provoque aucun débat d’ordre éthique, contrairement à aujourd’hui.
Albrecht von Haller, Göttingen, 1758
© Zentralbibliothek Bern (2008 leihweise in der Burgerbibliothek Bern)
×Rédacteur en chef du journal dès 1748, Haller devient un influent critique scientifique.
Ce journal est un important véhicule de publicité pour l’Université de Göttingen.
Haller va en faire le premier périodique scientifique critique d’Allemagne.
Selon l’usage d’alors, il y publie également les comptes-rendus de ses propres travaux.
Georges II, roi d’Angleterre
L’empereur François-Etienne Ier, époux de Marie-Thérèse la Grande, anoblit Haller.
Le roi d’Angleterre Georges II désire s’attacher les services de Haller par de généreuses faveurs.
C’est pourquoi il inter- vient auprès de l’empereur pour qu’il anoblisse Haller.
A Berne, toutefois, ces impériales lettres de noblesse n’ont guère de valeur.
L’empereur François Etienne Ier, 1749
© Privatbesitz, Foto: Burgerbibliothek Bern
×Haller est anobli à la demande instante du roi d’Angleterre.
Au titre de «bienveillance et faveur», le gouvernement bernois autorise Haller à accepter son anoblissement.
En 1731, le Grand Conseil avait décrété que les diplômes et titres étrangers n’ont «ni vigueur ni valeur» sur territoire bernois.
Johann Melchior Mörikofer, Berne, 1752
© Bernisches Historisches Museum, MS 3192
×Haller fait attribuer sa réalisation au médailleur bernois Mörikofer.
Par l’entremise de Haller, Mörikofer est mandaté pour frapper une médaille lors de l’anniversaire du roi d’Angleterre.
Il sera aussi mandaté pour la médaille du Prix de l’Université de Göttingen.
Les avers des deux médailles sont au buste de Georges II en armure, avec perruque et lauriers.
Johann Melchior Mörikofer, Berne, 1754
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 4118/5161
×Mörikofer crée cette médaille de sa propre initiative.
Il remercie ainsi Haller pour le mandat de la médaille du Prix de l’Université de Göttingen.
Le style de cette médaille s’inspire de celle dédiée au roi Georges II.
La médaille de Haller s’est déclinée, à divers prix, en argent, cuivre, bronze et étain.
Cette première biographie de Haller est de l’un de ses étudiants.
Zimmermann a vécu sous le même toit que Haller à Göttingen et il fournit des détails dont il a été lui-même témoin.
Dans de nombreuses lettres, Haller indique à Zimmermann comment il faut présenter les choses.
La page de titre montre la médaille de Haller par Mörikofer.
Professeur à Göttingen
La galerie de Johann Jacob Bruckner rassemble les portraits des grands esprits de son temps.
Au 18e siècle, les reproductions des portraits des grands savants ont un énorme succès et se retrouvent dans de nombreux de chercheurs.
Albrecht von Haller est l’une des plus importantes célébrités trônant dans la galerie de Bruckner.
Haller avait fait peindre son portrait destiné à être imprimé et diffusé.
Joh. J. Haid, d’après Chr. N. Eberlein, 1745
© Burgerbibliothek Bern, Sammlung Mülinen
×Cette version de son portrait ne plaît pas à Haller.
Haller envoie au graveur Haid un exemplaire imprimé avec ses remarques.
Haid rétorque qu’il ne peut faire mieux si le modèle n’est pas meilleur.
L’original d’Eberlein est malheureusement perdu.
Joh. J. Haid, d’après Joh. R. Studer, 1745
© Burgerbibliothek Bern, Haller E 51
×Cette fois, la ressemblance avec le personnage représenté est satisfaisante.
Le second portrait gravé par Haid pour la galerie des portraits de Brucker reproduit la peinture de Studer.
Encadrés par les boucles de l’épaisse perruque, les traits du visage sont plus marqués et plus plaisants.
La table, poussée sur le côté droit de Haller, lui donne plus de place et de prestance.
Retour à Berne
Elu au Grand Conseil bernois, le grand savant se décide à revenir dans son pays.
Professeur à Göttingen, Haller s’y est acquis une réputation de brillant scientifique.
Grâce à une intense correspondance et suite à une visite à Berne, Haller parvient à se faire élire au Grand Conseil bernois en 1745.
C’est le prélude à une carrière au service de l’Etat bernois – un vœu depuis longtemps cher au cœur de Haller.
Portrait de Haller, la dernière année où il était Amman de la maison de ville.
Le renommé portraitiste bernois montre Haller en savant reconnu et plein de succès.
Les livres, sur la table, contiennent des contri- butions de Haller en anatomie et en physiologie.
Le manuel de physiologie de Haller comporte une gravure d’après ce portrait.
Haller à Berne
Haller quitte le professo- rat pour une charge plus modeste au service de l’Etat.
Le monde scientifique ne comprend guère, lorsqu’en 1753, Haller devient Amman de la maison de ville de Berne.
Pour un patricien bernois, la magistrature est un enjeu important: une investiture, c’est aussi un investissement pour l’avenir de la famille.
Une fois Amman, Haller peut prétendre à des élévations plus importantes.
Haller, Amman de la maison de ville
L’Amman de la maison de ville est plus qu’un administrateur.Responsable du décompte des voix, il participe aux séances secrètes du Petit Conseil.
La coutume veut que le détenteur de cet office ait son mot à dire lors des élections au Petit Conseil.
Amman de la maison de ville, Haller a donc le droit de favoriser un candidat de son choix.
Haller à Berne
Les autorités créent un nouveau poste afin de garder Haller à Berne.
L’Université de Göttingen réitère ses offres destinées à rappeler Haller auprès d’elle.
Les autorités bernoises lui créent exprès un poste d’assesseur perpétuel pour la santé publique, peu lucratif mais très honorifique.
Flatté, Haller va rester à Berne, convaincu d’y être indispensable.
Albrecht von Haller, Berne, 1776
© Bern, Staatsarchiv, Mandat 1776, Okt. 1.
×Assesseur pour la santé publique, Haller touche à des dizaines de cas.
Haller rédige un manuel de sauvetage des noyés pour le gouvernement.
Expérience à l’appui, il recommande le bouche à bouche et l’introduction de fumée de tabac par clystère.
L’assesseur pour la santé publique fixe la prime de sauvetage à 30 francs.
Haller à Berne
L’épineux mariage de Marianne, fille de Haller.
Au sein du patriciat bernois, le rang est très important dans un mariage, car il en va de la position sociale de la famille.
Les fiançailles de Marianne avec Vinzenz Frisching sont rompues car, pour les Frisching, les Haller n’ont pas les qualités voulues.
Marianne se mariera avec Franz Ludwig Jenner – un parti qui, finalement, n’avait vraiment rien à envier aux Frisching.
Attribué à Emanuel Handmann, vers 1770
© Jegenstorf, Schloss, Inv. 1638 Dep.
×Marianne Haller et Franz Ludwig Jenner se marient en 1753.
Pour Haller, Franz Ludwig Jenner est un second gendre qui a tout pour plaire.
Jenner est également issu d’une famille patricienne bernoise.
Il a bon cœur, il est travailleur et sa famille n’est pas aussi snob que celle du premier fiancé de Marianne, les Frisching.
Avant le mariage de la fille de Haller, 163 lettres ont été échangées.
Habitant Göttingen, Haller ne peut négocier normalement, de vive voix.
Si Haller accédait au Conseil de Berne, cela ferait de sa fille un bon parti à marier.
En 1753, Haller revient à Berne pour le mariage de Marianne et se présente aux élections.
Sigmund Freudenberger, après 1773
© Bern, Bundesamt für Kultur (Eigentum der Schweizerischen Eidgenossenschaft), vW 77
×Une respectable occupation de patricienne
Haller ne tient pas seulement à ce que son beau-fils soit toujours compréhensif avec Marianne.
Il faut qu’il sache aussi que sa fille ait du plaisir à lire.
En tant que mari, il devrait toujours l’y encourager et lui procurer des ouvrages judicieusement choisis.
Sigmund Freudenberger, après 1773
© Bern, Nationalbibliothek, Sammlung Gugelmann, Freudenberger C 3
×Une patricienne bernoise se doit de savoir jouer d’un instrument à clavier.
Marianne tient à entretenir sa maîtrise de l’art musical acquise à Göttingen.
Franz Ludwig Jenner lui promet un clavecin pour leur demeure commune.
Il répond ainsi au profond désir de son beau-père.
Haller et l’Etat bernois
Il y a une chose que Haller n’obtiendra jamais: un siège au Petit Conseil.
Les membres du Petit Conseil bernois sont élus à vie.
Tous les dix ans, environ, se tiennent des élections permettant de repourvoir les sièges laissés vacants par les défunts conseillers.
En 1764, Haller, alors âgé de 56 ans, tente une fois encore de se faire élire au Petit Conseil, mais sans succès.
Haller et l’Etat bernois
Haller est un critique acerbe de la démocratie.
Haller récuse absolument l’idée de peuple souverain défendue par Rousseau.
Haller craint que, nanti de trop de pouvoirs, le peuple ne provoque des troubles et du désordre.
Il insiste vigoureusement sur la nécessité de subordonner le peuple au patriciat.
Albrecht von Haller, Berne, 1735
© Burgerbibliothek Bern, FA von Fellenberg 150 (2), Nr. 1
×Haller critique le verrouillage oligarchique au sein du patriciat bernois.
En 1735, le jeune Haller critique le nombre toujours plus réduit de familles accédant au pouvoir.
Le mémoire de Haller est mis en délibération du Conseil bernois en mars 1736.
Il sera récusé par 16 voix de majorité.
Agé, Haller projette son idéal politique dans trois romans.
Haller croit en un pouvoir de type seigneurial partagé entre patriciens égaux.
Affranchis des soucis du quotidien, les patriciens seraient les plus aptes à gouverner.
Haller redoute que si le peuple se mettait à voter, il soit abusé par la «démagogique aménité d’un candidat».
La République de Berne
La République de Berne est gouvernée par l’avoyer ainsi que les Grand et Petit Conseils.
Constitutionnellement, le Grand Conseil, représentant l’ensemble de la bourgeoisie, est l’organe suprême de l’Etat.
Toutefois, dès le 18e siècle, il est d’usage que l’avoyer et le Petit Conseil expédient les affaires courantes lors de leurs sessions quotidiennes.
Les décisions plus importantes sont prises par le Petit et le Grand Conseils réunis.
Johann Friedrich Funk I, Berne, 1735
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 467
×Les avoyers bernois y présidaient le Grand Conseil.
Siège du pouvoir, le trône en est le plus important attribut.
Les têtes de lions des accoudoirs et les pieds empattés expriment la position suprême de celui qui y siège.
Il s’agit de l’un des rares trônes ayant survécu à la Révolution française.
Joseph Werner, Berne, 1682
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 1951
×Le tableau proclame les bienfaits d‘un bon gouvernement.
Berna tient l'écu et le glaive au-dessus de la République, à côté de l'ours armé.
Derrière, Fides (la foi), avec le calice et la Bible, veille sur Felicitas (le bonheur) avec la corne d'abondance et la gouverne de l‘Etat.
Felicitas élève le bonnet phrygien, symbole de la liberté républicaine.
Le pivot du gouvernement est le Petit Conseil.
L’accès au Petit Conseil est réservé à quelques familles.
Les blasons des familles figurant au Petit Conseil entourent la collégiale.
Ceux des familles dont les membres siègent au Grand Conseil se trouvent sur les piliers latéraux.
Oberland bernois (?), 17e/18e siècles
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 46773
×Jusqu’au 19e siècle, les crimes graves sont passibles de la peine de mort.
Au 18e siècle, il y a deux peines pour les crimes graves: la mort ou le bannissement.
La décapitation est considérée comme moins infamante que la pendaison.
Les autorités justifient l’exécution capitale par le risque de récidive.
La République de Berne
Au 18e siècle, le patriciat fait l’objet de critiques toujours plus vives à Berne comme ailleurs.
Tout membre de famille bourgeoise est, en principe, éligible aux magistratures et aux charges administratives.
Dans la seconde moitié du 18e siècle, quelques familles se sont accaparé les postes les plus influents.
Des familles moins représentées se mettent à rédiger des pétitions contre la concentration du pouvoir. Haller fait partie du mouvement.
Le manifeste présente le soulèvement tel qu’il est vu par les autorités.
Des bourgeois mécontents exigent une modification de la Constitution.
Ils réclament une meilleure répartition du pouvoir entre les familles bourgeoises.
Jugés pour conspiration, les meneurs du mouvement sont pendus ou bannis.
Des habitants dépourvus de droits politiques appellent à résister aux autorités.
Ces brûlots étaient collés aux portes ou aux murs avec de la cire à cacheter.
L’un appelle les huguenots réfugiés à Berne à fuir ou à prendre les armes contre le Régime.
L’autre annonce une conjuration de bourgeois et de paysans contre le gouvernement.
La Société Œconomique
La Société Œconomique de Berne veut promouvoir l’agriculture, l’artisanat et le commerce.
Elle entend, avant tout, décrire systématiquement ce qui se passe dans les campagnes.
Lorsqu’une question se pose, elle fait l’objet d’un concours dans les revues ou bien dans l’organe de publication de la Société.
Les meilleures réponses sont récompensées par une médaille.
La Société Œconomique de Berne (Ed.), 1764
© Burgerbibliothek Bern, OGG I 382
×Les publications de la Société Œconomique de Berne
L’organe de la Société Œconomique paraît simultanément en allemand et en français.
Ceci est important pour sa renommée internationale.
La page de titre montre la médaille de la Société, une ruche et des outils agricoles.
Organe de publication de la Société d’agriculture de Bretagne
La Société d'Agriculture, de Commerce et des Arts des États de Bretagne est une ancêtre de la Société Œconomique de Berne.
Il y en a eu d’autres, comme les Sociétés économiques d’Edimbourg (fondée en 1723), de Dublin (1731) ou de Londres (1754).
Johann Kaspar Mörikofer, Berne, 1763
© Bernisches Historisches Museum, Inv. MS 636/MS 2496
׫Hinc Felicitas» – médaille de la Société Œconomique de Berne
La médaille était décernée aux vainqueurs des concours.
Elle rappelle à la fois la Médaille du mérite de la République et les objectifs de la Société.
La Liberté trône sur une charrue moderne, couronnée de l’inscription «De là vient le bonheur».
Peintre inconnu, Berne, vers 1760
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 50531
×Membre fondateur et premier président de la Société Œconomique de Berne
Engel est un cousin et un proche ami de Haller.
Ce magistrat instruit a rédigé des traités d’économie forestière et de politique céréalière.
Il a aussi mis à profit les connaissances de Haller dans son domaine agricole, par exemple pour introduire la pomme de terre.
Emanuel Handmann, Berne, 1761
© Privatbesitz, Foto: Burgerbibliothek Bern, Neg. 3451E
×Un magistrat, avec son arrosoir, son chapeau de paille, un livre et une ruche.
Ce tableau illustre l’engouement pour l’agriculture qui se répand dans la société instruite.
Vinzenz Frisching était le premier et erratique fiancé de Marianne, la fille de Haller.
Il fait partie des membres passifs de la Société Œconomique versant une cotisation annuelle.
Friedr. Oelenhainz, Berne, 1792
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 5496
×Magistrat et membre actif durant les temps difficiles
Franz Viktor Effinger est élu au Grand Conseil de Berne en 1775 et au Petit Conseil en 1788.
Vers 1800, il est l’un des derniers fidèles à s’engager activement pour la pérennité de la Société Œconomique.
D’après A. Fischer, 1798
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 6789
×Oberland bernois: vue du Tellenburg dans le Frutigtal
Dans l’Oberland, ce sont en général l’élevage et l’économie laitière qui prédominent.
Haut-Simmental et Gessenay sont, par excellence, des pays de pâturages.
Mais dans une grande partie de l’Oberland, on cultive également des céréales et des pommes de terre.
Canton de Berne, vers 1740 et Diemtigtal, 1744
© Bernisches Historisches Museum, 7422
×Les ustensiles finement décorés témoignent du savoir-faire de paysans fiers.
Les objets de la vie quotidienne sont aussi souvent richement entaillés.
Des inscriptions montrent que de nombreux objets passent d’une génération à l’autre.
La faible contenance du seillon montre que les vaches du 18e siècle ne produisaient pas autant de lait qu’aujourd’hui.
La Société Œconomique
Avec Haller comme président, la Société Œconomique acquiert un prestige international.
Dans l’annonce de sa fondation, la Société Œconomique de Berne fait appel à toutes les bonnes volontés, patriciennes ou paysannes.
A vrai dire, bien peu de paysans en seront membres.
Le président Haller, brillant scientifique connu de toute l’Europe, va inciter son vaste réseau de savants à faire partie de la Société.
La célébrité de Haller est un soutien essentiel au mouvement économico-patriotique.
Haller a présidé la Société Œconomique en 1766, 1768 et de 1770 à 1776.
En 1779, la Société s’est offert un buste en marbre de son président décédé, par Joh. Fr. Funk.
L’original ayant disparu, il ne reste de ce buste que des moulages en plâtre.
Heinrich Rieter, 1786/87
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 11668
×Membre fondateur, président et haut magistrat
Sinner fait carrière au service de l’Etat bernois avant d’occuper le trône d’avoyer.
On voit qu’il est décoré de l’Ordre de l’Aigle Noir de Prusse.
Son statut de haut magistrat confère un certain prestige à la Société Œconomique qu’il préside.
La Société Œconomique
La campagne fait l’objet d’études de rentabilité qui doivent permettre des améliorations.
La Société Œconomique a pour objectif d’accroître les rendements de l’agri- culture et d’améliorer la politique alimentaire.
Les ouvrages traitant des genres, espèces et conditions doivent guider le choix des plantes utiles.
Haller y apporta sa contribution en tant que botaniste.
Haller ne classe pas seulement les plantes cultivables par genre et espèce.
Ses considérations ne s’arrêtent pas à la botanique, ce qui le distingue de Linné.
Cette page montre deux espèces d’orge différenciées par Haller.
La distinction est déterminante lorsqu’il s’agit d’obtenir un «plus grand ou plus petit rendement sur un sol donné».
La Société Œconomique (Ed.), Zurich, 1782
© Burgerbibliothek Bern, OGG I 380
×La collecte des graines à semer est une préoccupation économique majeure.
La Société Œconomique présente un râteau spécial pour récolter les graines de trèfle.
Son inventeur est un ingénieur vaudois.
Lui et son épouse auraient ainsi récolté autant de semences que seize personnes à la main.
Albrecht von Haller, Berne, 1770
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 61623
×De nouvelles plantes permettent à l’agriculture d’évoluer.
La Société Œconomique prie Haller de rédiger un traité sur les plantes fourragères.
Le catalogue de Haller montre toutes les plantes fourragères indigènes.
Il y ajoute toutes les espèces étrangères qu’il recommande d’introduire en Suisse.
La Société Œconomique
Champs et prairies offrent de meilleurs rendements grâce aux engrais naturels bien utilisés.
Haller et ses militants vont promouvoir l’utilisation de plantes fixant l’azote, tels la luzerne et le sainfoin, à des fins de fertilisation des sols.
Les vaches s’en trouvent ainsi mieux nourries à l’étable; purin et fumier sont répandus à bon escient sur les champs.
Les rendements supérieurs en céréales éloignent le spectre récurrent de la famine.
Epizooties
Pour Haller les mesures de police sanitaire sont plus efficaces que les rites superstitieux.
Depuis le Moyen Age, l’élevage du bétail est une importante branche de l’économie en Suisse.
Les épidémies constituent dès lors une menace pour les ressources alimentaires d’une grande partie de la population.
Haller entend combattre ces fléaux par des abat- tages forcés accompagnés de dédommagements pour les paysans touchés.
Chancellerie de Berne, 1744
© Bern, Staatsarchiv, Mandat 1744, Okt. 14
×L’arrêté recommande des recettes et des saignées pour traiter les animaux malades.
Mais de simples traitements vétérinaires ne peuvent endiguer une épizootie.
Haller estime, à l’inverse de nombreux collègues spécialistes, qu’il est alors irresponsable d’en rester à de vaines tentatives de soins.
Assesseur pour la santé publique, Haller influence le nouveau règlement.
Certificats sanitaires, quarantaines et abattages forcés ne sont pas des mesures nouvelles.
Mais Haller conçoit également des mesures d’accompagnement.
De généreux dédommagements, notamment, doivent inciter les paysans à déclarer sans tarder les cas de maladie.
Albrecht von Haller, 1773
© Bern, Zentralbibliothek der Universitätsbibliothek (ZB UB), ZB H. XXXI. 133 (6)
×Le traité de Haller sert de base et commentaire au nouveau règlement.
Haller s’appuie sur la littérature internationale et des enseignements tirés des autopsies.
Ce traité paraîtra d’abord dans la revue de la Société Œconomique.
Les éditions en français, latin et italien témoignent de sa diffusion internationale.
Les grigris doivent protéger les gens comme le bétail de la maladie.
Percés, les montants des portes accueillaient des grigris bénis au pouvoir magique.
Ici, il s’agit de denrées et de vers de l’Evangile de saint Jean.
Pour conjurer le sort, l’Emmental réformé ira jusqu’à faire venir des capucins de Lucerne, la catholique.
La Société Œconomique
Une invention de l’Emmental s’attire une notoriété européenne.
La Société Œconomique de Berne fait connaître un outil permettant d’arracher les souches d’arbres.
Haller y consacre un compte-rendu dans le journal des sciences de Göttingen («Göttingische Gelehrte Anzeigen»).
Cette invention du paysan Peter Sommer a également été publiée dans la célèbre «Encyclopédie» de Diderot et d’Alembert.
Le déracineur de l’Emmental devient une célébrité internationale.
L’invention de Peter Sommer est relatée dans les grandes publications d’économie agricole de l’époque.
L’illustration est reprise de la publication bernoise.
Commandes et rapports d’expériences affluent de divers lieux d’Europe.
La Société Œconomique (Ed.), Zurich, 1760
© Burgerbibliothek Bern, OGG I 378
×La traction permet d’enlever un arbre avec ses racines.
Le paysan de l’Emmental Peter Sommer présente à Berne son dispositif allégeant considérablement ce type de tâche.
Les autorités bernoises lui en commande immédiatement plusieurs exemplaires.
Peter Sommer reçoit le titre de membre d’honneur de la Société Œconomique.
Diderot/d’Alembert, Paris, 1762
© Bern, Zentralbibliothek der Universitätsbibliothek , ZB Lexica 20 / Z 393
×L’invention de Sommer est présentée dans «l’Encyclopédie» de Diderot et d’Alembert.
Haller soutient la diffusion internationale de l’instrument de levage de Sommer.
Il publie, dans le journal des sciences de Göttingen, un compte-rendu du rapport de la Société Œconomique.
Cela lui ouvrira les colonnes de la célèbre «Encyclopédie» des Lumières.
Durant six ans, le célèbre Haller dirige des mines dans une région reculée.
En 1758, Haller prend la direction des mines de sel à Roche, alors que le poste n’intéressait personne.
La tâche de Haller consiste à diriger l’exploitation des mines. Mais il trouve le temps de se consacrer à ses recherches scientifiques à côté de son travail.
Les années qu’il passe à Roche comptent parmi les plus heureuses de sa vie.
Directeur des salines à Roche (VD), Haller en dirige l’exploitation.
Il dépend de l’office du sel à Berne, gérant toute question relative au marché stratégique du sel.
En tant que directeur des salines, Haller rend régulièrement des comptes à Berne.
Il s’est probablement aussi servi de ce sceau.
Directeur des salines
Albrecht von Haller dirige l’exploitation des mines de sel.
Responsable d’exploitation Haller doit également gérer les infrastructures.
En font partie des kilomètres de conduites en bois qui mènent l’eau salée de la source aux poêles.
Tous les trois mois, Haller doit rendre des comptes à ses supérieurs de la situation financière de l’exploitation.
Haller tient la comptabilité des salines – non sans quelques inexactitudes.
A Berne, ses supérieurs exigent un rapport comptable tous les quatre mois et chaque année.
Les comptes de Haller pour 1760 sont critiqués sur 17 points, contre 59 la première année.
Les frais postaux élevés de Haller agacent particulièrement Berne.
Ce double récipient à couvercles est en étain.
Les aliments sont assaisonnés à table.
Les salières de table sont de faible contenance afin d’éviter le gaspillage et l’humidité.
Selon la valeur du contenu et la richesse du propriétaire, les salières peuvent être décorées à l’excès.
D’Islikon (Turgovie), 1739
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 7203
×Pour prospérer, le bétail doit absorber du sel.
La conservation de la viande et du poisson, ainsi que la fabrication du fromage nécessitent de grandes quantités de sel.
Des traités du 18e siècle insistent aussi sur les apports réguliers en sel à fournir au bétail.
Le prix élevé du sel fait que les bêtes n’ont pas souvent le plaisir d’y goûter.
Directeur des salines
Les mines de sel en Pays de Vaud offraient à Berne une relative autarcie.
Berne avait dû importer son sel de la Bourgogne depuis le Moyen Age, dépendant ainsi de ce duché, puis de la France.
En 1554, on découvrit la première source d’eau salée de Suisse à Roche.
Mais le sel que l’on y extrait dès 1685 ne permet tout de même pas à Berne de renoncer à en importer.
Charte, Salins et Berne, 27 janvier 1448
© Bern, Staatsarchiv, Fach: Frankreich 1448 Jan 27.
×Garantir l’approvisionnement du pays en sel est une affaire d’Etat.
A partir du 15e siècle, Berne ne laisse plus cette tâche aux seules mains de privés.
En 1448, Berne et les salines de Salins conviennent de livraisons régulières.
C’est le premier pas vers un monopole d’Etat du sel.
Berne reçoit un précieux cadeau pour une concession d’exploitation du sel.
Le négociant augsbourgeois Zobel est preneur d’un bail sur les salines d’Aigle et de Roche.
En 1583, sa concession est prolongée de dix ans par le gouvernement bernois.
En remerciement de ce profitable arrangement, il offre à la Ville ce service d’apparat constitué de trois pièces d’argenterie.
Mandat, Berne, 18 septembre 1722
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 59453
×Les infractions à la régale du sel sont punies.
Afin de garantir ses ressources en sel durant la Guerre de Trente ans, Berne nationalise le commerce du sel.
L’interdiction de la vente de sel privée est décrétée en 1701.
La répétition des délits amène les autorités à sanctionner les infractions.
Emanuel Gruber, Berne, 1746/47
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 928
×En 1623, le marché du sel est nationalisé et une Chambre du sel instituée.
A gauche les blasons des directeurs membres du Petit Conseil, à droite, ceux des membres du Grand Conseil.
La partie inférieure regroupe les armes des trésoriers.
Les illustrations montrent des entrepôts de sel.
Ce dessin montre un bâtiment d’évaporation avant l’époque de Haller.
Les énormes poêles à sel couvertes sont chauffées par dessous.
Il en résulte une forte évaporation.
Le sel qui reste au fond des poêles est évacué à la pelle pour être séché.
Haller décrit ses essais pour améliorer la production de sel.
Haller recommande de prendre soin des forêts et d’économiser le bois.
Il essaie d’évaporer la saumure au soleil, comme on le fait depuis longtemps au bord de la mer.
Bien que publiée six fois, sa méthode n’est pas adoptée.
Directeur des salines
La teneur en sel s’élève par évaporation provoquée.
L’eau salée des sources d’Aigle, Roche et Bex n’a qu’une faible teneur en sel.
Des ouvrages de graduation, sortes de grands filtres de brindilles ou de paille, permettent d’en accélérer l’évaporation.
De tels dispositifs nécessitent toutefois de grandes quantités de bois.
De grandes poêles sont chauffées au bois pour obtenir le sel par évaporation.
Il faut environ une tonne et demie de bois pour obtenir une tonne de sel.
La sylviculture et l’approvisionnement en bois sont donc vitaux pour l’exploitation des salines.
Pour limiter les déboisements préjudiciables, Haller recourra à l’exposition de la saumure au soleil.
Les vieux jours
Durant ses vieux jours, Haller va se consacrer à l’étude de l’embryon.
La question de Haller est la suivante: le corps est-il prédéterminé au moment de sa conception ou bien se constitue-t-il au stade embryonnaire?
Ce sont les œufs de poule qui constituent le meilleur support d’étude sur la question.
Les œufs de poule servent aujourd’hui encore à l’enseignement de l’embryologie.
Albrecht von Haller, 1767
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 5
×Avec ses observations sur l’œuf de poule, Haller est à la pointe de l’embryologie.
Ses examens lui permettent de conclure que le corps est préorganisé.
Ces recherches sont si ardues que seuls Haller et son contradicteur Kaspar Wolff, à St-Pétersbourg, dominent le sujet.
Haller fait tellement autorité que ses vues vont largement s’imposer.
Vraisemblablement, Haller utilisait son microscope surtout pour l’anatomie.
Il n’utilisait que rarement son microscope en embryologie, craignant les aberrations optiques.
Pour ses interminables observations de l’œuf de poule, il préfère une loupe fixe.
Elle lui laisse les mains libres pour manipuler l’œuf et prendre des notes.
Le grand savant
La réussite de Haller vient de sa rigueur, de sa méthode et de nouvelles idées de recherche.
Au cours de sa vie, Haller a rédigé 15'000 lettres, 25'000 pages, surtout scientifiques, et 9'000 comptes-rendus.
Pour organiser son immense savoir, il s’est servi de notices et de résumés.
C’est ainsi qu’il a réuni la documentation nécessaire à ses publications et à ses futures recherches.
Lire et écrire vont forcément de pair pour Haller.
Durant toute sa vie, Haller n’a cessé de lire en notant ses réflexions critiques.
C’est ainsi qu’il a incessamment constitué son savoir.
Cet objet est en marbre de Truchefardel. Haller aime les papillons, symboles de métamorphose et de vie après la mort.
Albrecht von Haller, 1730–1750
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 24
×Ce volume contient des résumés de livres d’anatomie.
Haller indexe les connaissances acquises au fil des lectures au moyen de jeu de cartes.
Il rédige des procès-verbaux de ses recherches qu’il va également indexer.
Dans ses publications, il confronte ses lectures avec ses propres résultats.
Ces notices se seraient trouvées sur son bureau lorsqu’il est mort.
Haller note ce que ses lectures lui apprennent de nouveau pour l’intégrer dans ses prochaines publications.
Il a toujours répété que la science est en marche et ne s’arrête jamais.
Ces notices montrent que Haller n’a jamais cessé de compléter ses connaissances.
Albrecht von Haller, Zurich, 1774–1777
© Burgerbibliothek Bern, Haller D 39
×Haller voulait élargir l’horizon bibliographique des chercheurs.
Il déplore que des chercheurs mal informés véhiculent un savoir dépassé et sans grand intérêt.
Sa bibliographie commentée de toute la littérature médicale et botanique comprend 10 volumes.
Il y effectue la recension de 50'000 titres, de l’Antiquité à son époque.
Haller a écrit 15'000 lettres au cours de sa vie – au moins une chaque jour.
Haller en reçoit tout autant.
Il entretient des relations épistolaires avec d’autres savants de toute l’Europe.
En mars 1771, Haller reçoit 12 lettres de toutes provenances en l’espace de 10 jours.
L’un des correspondants de Haller, dans son bureau.
Le médecin bernois J. F. von Herrenschwand tend à son épouse la lettre qu’il vient de signer pour qu’elle la cachette.
Installé à Berne, Herrenschwand est le médecin traitant de divers grands souverains d’Europe.
Il accompagnera Haller de sa correspondance durant ses dernières années et sa maladie.
La sacoche antérieure est destinée aux lettres.
Un bon réseau postal permet l’acheminement rapide du courrier partout en Europe.
Il comprend un nombre suffisant de postes pour changer de cheval et coordonner les courses.
Pour gagner du temps, Haller attend le dernier moment pour confier ses lettres au coursier.
Le grand savant
Haller est en cheville avec toute l’Europe des savants.
Au milieu du 18e siècle, les érudits de toute l’Europe restent en contact par le truchement de leurs lettres, des revues et des sociétés savantes.
Le réseau des correspondants de Haller est l’un des plus étendus de son temps; il va de Moscou à Dublin et de Stockholm à Malaga.
Albrecht von Haller sera membre de 32 sociétés.
Saint-Pétersbourg, 29 décembre 1776
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 97 (59)
×Haller est membre de toutes les sociétés savantes importantes d’Europe.
Il reçoit des distinctions de toute l’Europe d’Edimbourg à St-Pétersbourg.
Il doit son admission dans certaines sociétés à des politesses rendues.
Le directeur du jardin botanique de Florence sera ainsi admis dans les sociétés de Göttingen et de Berlin grâce à Haller.
Edimbourg, 3 novembre 1772
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 97 (49)
×Edimbourg, 3 novembre 1772
Royal College of Physicians
Padoue, 1 septembre 1773
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 97 (52)
×Padoue, 1 septembre 1773
Società d’Agricoltura
Florence, 27 décembre 1759
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 97 (19)
×Florence, 27 décembre 1759
Società Botanica Fiorentina
Paris, 18 janvier 1776
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 97 (57)
×Paris, 18 janvier 1776
Société royale de médecine
Stockholm (?), 1 septembre 1750
© Burgerbibliothek Bern, N Albrecht von Haller 96 (45)
×Stockholm (?), 1 septembre 1750
Académie royale des sciences de Suède
Rédacteur en chef
Haller fixe de nouveaux objectifs à une revue scientifique.
Jusque-là, les savants s’encourageaient mutuellement dans leurs livres et ne faisaient guère preuve de sens critique.
Spécialiste en médecine, en biologie et en littérature, Haller s’en tient à l’observation et à l’analyse.
Haller a été l’auteur de 9000 comptes-rendus d’ouvrages rédigés en une dizaine de langues.
Les vieux jours
Haller souffre. Il recourt à l’opium pour avancer dans ses dernières publications.
Haller prend de l’opium, à contrecœur, mais il souffre de plus en plus terriblement des voies urinaires.
Haller décrit méticuleusement chacun des effets de l’opium sur son corps.
Les moments de répit que lui offre le traitement sont mis à profit pour rédiger ses innombrables projets de publication.
Albrecht von Haller, Göttingen, 1777
© Burgerbibliothek Bern, Haller C 29
×Contraint d’augmenter ses doses d’opium, Haller devient dépendant.
Il décrit avec une minutie toute scientifique les effets de l’opium sur son organisme.
Haller note les effets euphorisants et l’état d’abattement qui les suit.
Il est soucieux de préserver au mieux sa mémoire et ses facultés intellectuelles.
L’empereur Joseph II
L’empereur Joseph II ne veut voir que Haller et ignore le gouvernement bernois.
Sur le chemin de Vienne, en rentrant de France, l’empereur Joseph II fait halte à Berne.
Les membres du gouvernement sont prêts à lui présenter leurs respects.
Mais seul Haller aura l’honneur de la visite de l’empereur, qu’il recevra dans son étude.
Berne, maquette 1936
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 25801
×Perché au-dessus de l’Aar avec vue sur le Gurten et les Alpes
Albrecht von Haller a vécu ici de 1775 à sa mort, en 1777.
Cette élégante demeure citadine avec sa terrasse orientée au midi date du début du 18e siècle.
Arrachée en 1911/12, elle a été remplacée par l’Hôtel Bellevue, devenu Kochergasse 5.
Ce petit portrait montre Haller en robe de chambre et coiffé d’un bonnet.
C’est dans cette tenue qu’il a reçu l’empereur Joseph II chez lui, à la maison.
L’auteur inconnu de ce tableau plein de caractère montre un vieux mon- sieur aux traits assez empâtés.
Vive et attentive, l’expression est néanmoins toujours celle d’un être à l’esprit alerte.
Peintre inconnu, avant décembre 1777
© Privatbesitz, Foto: Burgerbibliothek Bern, Neg. 2420
×Durant sa maladie fatale, Haller reste en robe de chambre et porte un bonnet.
L’aquarelle dépeint le profil anguleux de Haller.
Le physiognomoniste Lavater l’avait rendu célèbre en concluant qu’il s’agissait de «l’archétype du savant».
Haller, à qui on ne la faisait pas, en avait conclu que Lavater s’était plus basé sur ses œuvres que sur sa silhouette.
L’empereur Joseph II
L’empereur Joseph II ne veut voir que Haller et ignore le gouvernement bernois.
Sur le chemin de Vienne, en rentrant de France, l’empereur Joseph II fait halte à Berne.
Les membres du gouvernement sont prêts à lui présenter leurs respects.
Mais seul Haller aura l’honneur de la visite de l’empereur, qu’il recevra dans son étude.
Sigmund Freudenberger, Berne, 1773
© Privatbesitz, Foto: Burgerbibliothek Bern, Neg. 2407E
×Le grand savant âgé de 65 ans
Le portrait peint par Freudenberger a servi d’original pour l’imprimé destiné à être diffusé.
Haller l’envoie au graveur Bause, à Leipzig, accompagné d’un commentaire: «l’on dit qu’il est bon et conforme».
La Croix de l’Ordre de l’Etoile Polaire, que Haller reçut en 1776, a été rajoutée par la suite.
Peintre inconnu, après 1773, év. fin du 19e s.
© Privatbesitz, Foto: Burgerbibliothek Bern, Neg. 3995
×La petite reproduction a pour exemple évident le tableau de Freudenberger.
Elle a été exposée à la bibliothèque de la Ville de Berne lors du 100e anniversaire de son décès, en 1877.
En l’absence de décoration, il pourrait s’agir d’une copie de l’œuvre de Freudenberger, exécutée juste avant 1776.
Ou s’agit-il d’une exécution ultérieure à partir d’une copie inconnue?
Le décès de Haller est suivi de la vente de son inestimable bibliothèque.
Albrecht von Haller décède le 12 décembre 1777 d’une atteinte des voies urinaires.
Il laisse derrière lui l’une des plus grandes bibliothèques privées du 18e siècle.
Vu le peu d’intérêt que lui porta Berne, son fils Gottlieb Emanuel Haller en conclut la vente à l’empereur Joseph II.
Paolo Mascagni et al., Florence, vers 1785
© Wien, Josephinum, Inv. 152
×L’atlas de Haller est un important original pour les modèles en cire.
La collection de Vienne compte plus de 1'000 cires.
Les préparateurs sont des anatomistes compétents capables de produire des modèles parfaits à partir des meilleures illustrations de l’époque.
La présentation des vaisseaux est identique à celle de l’atlas de Haller.
Salomon Gessner, Zurich, après 1777
© Propriété privée, Werner Siegenthaler, Wetzikon
×Ce mémorial imaginaire témoigne de la considération portée à Haller.
Le style dépouillé du monument dans un cadre idyllique illustre le contraste entre nature et culture.
Gessner a voulu rendre justice à la formidable carrure intellectuelle de Haller.
Pourtant, Haller n’a jamais eu de monument fuéraire; sa tombe n’a même pas été conservée.
Plâtre d’après S. Caldelari, 1803
© Bernisches Historisches Museum, Inv. 20943
×Le sculpteur parisien Sébastien Caldelari représente Haller en savant de l’Antiquité.
En 1803, le fils de Haller, Rudolf Emanuel, fait sculpter un buste en marbre de son père.
Ce buste va séjourner dans le jardin botanique avant d’être bientôt remplacé par un moulage en bronze.
L’exemplaire ci-exposé en est l’un des moulages en plâtre.
Pieter Recco, Berne, 1818
© Bern, Naturhistorisches Museum, Inv. 120 1003 10
×Encouragé par Haller, Wyttenbach devient lui-même un explorateur des Alpes.
Les premiers touristes des Alpes, dont Goethe, visiteront volontiers le pasteur Wyttenbach à Berne.
Une gentiane, un coléoptère et un cristal de roche montrent les intérêts de Wyttenbach.
A l’arrière-plan, à droite, on reconnaît le buste de Haller par Caldelari.